A Londres, au XVIIe et XVIIIe siècles, le commun des mortels se fait transporter, moyennant finance, en Hackney Coach, voiture à quatre roues assez lourde, tirée par deux chevaux et pouvant prendre plusieurs passagers. Ce sont souvent d’anciennes voitures appartenant ou ayant appartenu à la noblesse, portant quelquefois encore leurs armes passablement défraîchies.
Ce moyen de « transport en commun » se maintient jusqu’au XIXe, quand en 1825, un lecteur du London Magazine demandait : « Un vrai gentleman peut-il aller faire ses visites dans un Hackney Coach ? Le plus souvent sale, avec des glaces brisées, les coussins mal entretenus, empestant à cause des derniers transports vers l'hôpital ou le cachot…….. »
Il avait, certes, rendu de grands services depuis 1654, lorsque le Parlement en limité le nombre à 300 pour le centre de Londres mais il fallait le perfectionner.
En 1805, les Français avaient abandonné ces voitures de louage à quatre roues pour une voiture à deux roues, beaucoup plus légère et maniable, moins encombrante dans les embouteillages, plus économique car tirée par un seul cheval, appelée "cabriolet de place ». Le carrossier londonien Mr David Davies l’introduisit dans les rues de Londres. Il y devint connu sous le nom abrégé de « Cab », terme jugé au début d’une déplorable vulgarité mais tellement commode qu’il fut rapidement adopté en dépit des critiques des puristes Anglais.
Ce cab ressemblait à un gig transportant deux personnes, dont le cocher, assis à côté de son client. Seul problème, les propriétaires de Hackney Coaches uniquement avaient le droit de transporter des passagers dans le centre de Londres (les limites en étaient une aire déterminée en 1665, appelée « the Area of the Bill of Mortality », en référence à la Grande Peste, qui avait tué des milliers de personnes dans cette ville). C’était leur chasse gardée et ils voyaient d’un très mauvais œil ce qui allait devenir un très dangereux rival de leurs véhicules lents et encombrants.
Néanmoins, le cab reçut un soutien précieux de deux gentlemen, Messieurs Bradshaw et Rotch, ce dernier Membre du Parlement, qui obtinrent des licences pour neuf cabs, à la condition qu’ils n’entrent jamais dans la zone du Bill of Mortality. Puis en avril 1823, douze cabs, construits par David Davies, opérèrent dans les rues. Il les modifia en construisant un drôle de siège extérieur pour le cocher, entre la caisse et la roue de droite, en introduisant des protections pour le passager contre le vent et la pluie, ce qui faisait ressembler la voiture à un corbillard, d’où le nom de « Coffin-cab ».
Le prix de la course était très raisonnable et en peu de temps les Londoniens commencèrent à apprécier ce mode de transport rapide et bon marché autour de la City … quelquefois à leur grand dam car les cochers de cabs, conscients de la supériorité de ce véhicule sur les Hackney Coaches et voitures privées, ne se gênaient pas pour les dépasser à toute allure, en dépit des pavés !!! …. Causant des accidents et renversant leurs clients au beau milieu de la rue … Les personnes un peu âgées ou craintives restaient donc fidèles à un mode de transport plus sûr, tandis que les plus jeunes, « dandies » ou commerçants, se félicitaient des cabs, se vantant même auprès de leurs amis ou dans les pubs, du nombre de fois où ils s’étaient retrouvés éjectés sans ménagements ! ….
En dépit de féroces luttes d’intérêts entre les tenants des Hackney Coaches et ceux du Cab, 150 licences furent obtenues pour ces derniers en 1831 alors qu’à Paris, on en comptait déjà 2 500 à la même date ! Finalement toutes les diverses restrictions tombèrent à Londres en 1832 et en quelques mois, des centaines de cabs purent offrir leurs services dans toute la ville.
Un nouveau modèle, conçu par un Mr William Boulnois apparut, complètement fermé et pouvant transporter deux passagers face à fac
e, le siège du cocher littéralement perché sur le devant du toit de la voiture, situation inconfortable s’il en est, et comportant une portière à l’arrière … L’inconvénient majeur était que les passagers pouvaient en descendre sans payer et que le malheureux cocher arrivait souvent à destination pour découvrir que son cab était vide ! Il fallut donc trouver autre chose.
Et voilà qu’arrive en 1834 Mr Joseph Hansom, architecte de l’Hôtel de Ville de Birmingham, avec un premier cab de sa façon ! Une caisse presque carrée, le cocher encore perché sur un petit siège à l’avant mais les passagers accédant par le devant de la voiture. Après quelques expériences et innovations assez farfelues, jamais réellement exploitables, Mr John Chapman et Mr Gillett identifient les faiblesses du véhicule et l’améliorent considérablement. Le siège du cocher sera placé à l’arrière, une glace pourra s’ouvrir à la portière, la caisse pourra glisser vers l’avant ou l’arrière pour équilibrer le poids. Divers détails seront encore apportés pour le confort des passagers, entre autres des glaces plus grandes pour une meilleurs visibilité, une petite trappe à l’arrière, à hauteur des pieds du cocher, pour payer la course et un système de blocage des portières actionné par le cocher pour éviter le problème des mauvais payeurs ! Rien de nouveau sous le soleil …
Hansom tirera peu de profit de son idée mais le « Hansom Cab » passera à la postérité ! Il fut copié en Angleterre par d’autres constructeurs, principalement Forder & Co de Londres et Northampton et servit à une usage privé aussi bien que public.
Et pendant plus de 80 ans, dans toutes les grandes villes du monde, cette voiture sera le « taxi » indispensable, et, avec l’humour bien connu de Pierre de Chézelles, qui le tient de … ? « la seule voiture où le postérieur de l’inférieur qui est à l’extérieur est supérieur au postérieur du supérieur qui est à l’intérieur » !
Hélé par Sherlock Holmes pour débrouiller quelque ténébreuse énigme, le Hansom cab fera les beaux jours de milliers de clients, pressés par leurs affaires ou heureux d’aller se promener à Hyde Park à Londres, au Bois de Boulogne à Paris, Unter den Linden à Berlin ou au Retiro à Madrid …